Soumis par Pierre Degand le lun, 24/10/2016 - 11:01
le suicide au grand âge

Fediplus (fédération des retraités et préretraités) a publié un article relatif au suicide au grand âge.  Notre société fait peu écho de ce phénomène. Vous découvrirez dans cet article que c’est  au grand âge que le taux de suicide est le plus élevé. Cet article passe en revue les causes et surtout les signaux qui doivent nous alerter.

Si les médias en font peu l’écho, c’est pourtant chez les aînés que le taux de suicide est le plus élevé. Plus on avance en âge et plus le risque suicidaire est élevé avec un sommet pour les hommes de plus de 75 ans. C’est, en effet, l’âge des pertes : perte sociale, perte des aptitudes physiques, perte de la santé, perte des êtres chers. Si nombre de personnes âgées s’adaptent progressivement à ces pertes, cela reste une période à haut risque suicidaire.

Cachez ce mal-être que je ne pourrais voir

Le plus souvent, nous détournons le regard face au mal-être de nos aînés. Cela nous met mal à l’aise car cela nous confronte à la peur de vieillir et à l’idée de la mort.  Cette mort volontaire de nos aînés nous mobilise aussi moins que celle des jeunes car procèderait d’un phénomène « normal ». Or, l’acte de mettre fin à ses jours n’a rien de normal pas plus qu’un état dépressif chez la personne âgée, premier facteur déclencheur du suicide. D’autre part, les personnes âgées éprouvent des difficultés à reconnaître qu’elles sont déprimées. Elles vont plutôt l’exprimer par des plaintes somatiques, existentielles ou hypocondriaques indisposant le plus souvent l’entourage lequel considère souvent à tort que ces plaintes  sont simplement à mettre sur le compte du vieillissement. On attribue, de la sorte, erronément au processus de vieillissement normal les symptômes de la dépression tels que la perte d’intérêt, l’asthénie, la perte d’énergie, la diminution de l’appétit, la modification du sommeil, le ralentissement psychomoteur et les difficultés à penser et à se concentrer. On banalise le fait qu’une personne âgée s’ennuie, se sente inutile ou dévalorisée.

Il n’est, cela dit, jamais simple pour l’entourage ni même pour le corps médical de distinguer ce qui procède véritablement du vieillissement cérébral,- menant à une perte d’intérêt, des troubles mnésiques avec troubles du jugement, troubles du langage et du comportement,- d’une dépression de la personne âgée.

 

Les causes du suicide sont multiples chez le sujet âgé. On peut citer, notamment,

  •        La perte du conjoint et les multiples deuils d’amis ou de connaissances
  •        La diminution des facultés physiques et cognitives
  •        Les problèmes de santé
  •        La perte progressive d’autonomie
  •        L’entrée en maison de repos
  •        La perte des repères dans le quotidien
  •        Les séparations familiales, amicales et sociales.

 

Face au risque de suicide, quels sont les signaux d’alerte auxquels nous devons rester attentifs ?

 

Les chiffres du suicide dans ces tranches d’âge avancé sont souvent sous-estimés dans la mesure où la nature suicidaire de certains décès peut passer inaperçue par le refus de traitements vitaux, de conduites addictives, d’automutilations, de syndrome de glissement qui sont autant d’équivalents suicidaires. Par ailleurs, les personnes âgées ont une telle détermination à se suicider, qu’il s’avère extrêmement rare qu’elles n’aboutissent pas. En témoignent la violence des moyens les plus fréquemment utilisés : pendaison, arme à feu, défenestration, intoxication volontaire, noyade. Contrairement au phénomène chez les jeunes, on ne peut pas véritablement parler de tentative de suicide comme valeur d’appel. Il convient, dès lors, d’intervenir en amont en identifiant les signaux d’alerte avant le passage à l’acte. Ceux-ci sont, notamment, :

  •    Le sentiment d’inutilité et d’incapacité : « je suis une charge, je ne sers à rien, je ne peux plus rien faire »
  •    Le désinvestissement des activités et des relations, l’indifférence, la régression
  •    Les troubles de l’alimentation et du sommeil
  •    Le refus du vieillissement
  •    Des plaintes diverses et répétées concernant le quotidien.

La solitude comme fondement

Les personnes isolées seraient les plus vulnérables aux aspirations suicidaires.

Or, il ressort d’une étude de la Fondation Roi Baudoin que 46% de nos seniors se sentent seuls. Ce sentiment de solitude augmente avec l’âge. C’est ainsi que le sentiment de solitude est le plus élevé chez les plus de 85 ans. Ce sont aussi parmi les femmes, les veufs et les veuves, les personnes âgées souffrant de problèmes de santé ou qui peinent à boucler leurs fins de mois que l’on détecte le plus grand nombre de personnes solitaires et socialement isolées.

Ce témoignage, paru dans le magazine de la mutualité Partenamut, est à ce propos éloquent. Il est celui de Maria, 86 ans.  Elle a perdu son mari il y a 5 ans et, depuis, vit seule dans une maison qu’elle trouve bien trop grande. « Michel est parti le 12 juin 2010… Je le soignais à la maison, car il ne voulait pas aller en maison de repos et de soins ni à l’hôpital. Une infirmière, un médecin et une aide familiale passaient pratiquement tous les jours. Mais pour Michel, ma présence était nécessaire tous les jours, toute la journée et toutes les nuits. Nous n’avons pas eu d’enfants, j’étais donc seule pour m’occuper de tout. Avant sa maladie, qui a duré 4 ans, nous avions des amis avec lesquels nous faisions des petites sorties et qui passaient régulièrement à la maison. Mais les 4 années que j’ai consacrées à Michel m’ont éloignée petit à petit de tout contact social. Je ne pouvais plus recevoir personne et pas question de sorties ! A la mort de Michel, je me suis retrouvée seule. Bien sûr à l’enterrement, tout le monde était là, mais après… C’est vrai que la tristesse, le sentiment de vide, mais aussi la fatigue de ces 4 années : j’avais envie de vivre ça toute seule. Et petit à petit, je me suis vraiment retrouvée toute seule. Mes amies sont parties, elles aussi, et je n’ai plus le courage de sortir seule… L’âge est là. Vous êtes la première personne à qui je parle depuis une semaine et demi. Les 3 seules personnes que je vois de temps en temps sont la factrice, le docteur et l’infirmière qui vient une fois par semaine. Mais ils n’ont pas toujours le temps de s’éterniser. Alors je passe mes journées à lire (heureusement ma vue est encore convenable), faire quelques mots croisés et regarder la télévision. Parfois je déprime et je me dis que mon seul avenir est d’attendre la mort. »

La Croix-Rouge de Belgique a mis en place, pour pallier au sentiment de solitude, un projet d’accompagnement à domicile, Hestia. Ce dernier consiste en une visite hebdomadaire de deux ou trois heures aux personnes âgées et à partager avec elles des moments de convivialité, d’écoute, d’échange. Cela passe par une simple visite de courtoisie, un moment de lecture, une petite excursion, une balade… Ce service s’adresse aux personnes âgées de plus de 65 ans exprimant un sentiment de solitude. Il existe dans les trois régions du pays et est connu en Flandre sous le nom de « Thuis in mijn tehuis ».

Soyons attentifs à nos aînés afin que le suicide ne soit pas leur seule voie de faire face, seuls, au vieillissement!

Nathalie Wilbeaux

 

Vous trouverez ci-après un article lié au sujet:

Suicide : les plus de 75 ans sont les "plus à risque"