Quelle drôle de question me direz-vous. Pourtant, on ne prend plus la retraite à la même heure en 2018 qu’en 1960. En réalité, on la prend bien plus tôt dans la journée ! Ce n’est toujours pas clair ? Pourquoi parler d’avancée de l’heure de départ à la retraite alors que ces derniers mois les médias n’ont cessé de faire écho du recul de l’âge de la retraite ? Vous découvrirez au fil de cet article qu’en abordant le passage à la retraite sous l’angle de l’image « horaire » on peut mieux illustrer les défis de l’approche des 50+. Ces défis ne sont pas uniquement économiques mais aussi sociaux et sociétaux.
Retraite, pouah ! Quel triste mot !
Retraite, pension, il faut bien avouer que notre belle langue française n’a pas accouché des plus beaux mots pour nommer cette période de la vie. Pourtant, depuis 15-20 ans (depuis l’arrivée des baby boomers) , elle se destine à être la période de tous les possibles. En tout cas, si l’on s’y prépare bien ! Pas étonnant qu’en espagnol, retraite se dit jubilacion.
Certains osaient et osent encore l’appeler le crépuscule de la vie, voire comme on peut l’entendre souvent : la seconde vie…. Comme si à la retraite on effaçait l’ardoise, qu’on entrait dans une période bonus, de repos en décalage et en rupture avec la carrière. La retraite n’était pas considérée comme une tranche de vie. La vie, c’était le travail et le travail, c’est bien connu, c’est la santé ! Eh bien non, la retraite ce n’est pas cela. Drauzilio Varella, oncologue brésilien a dit : « Avant 50 ans, la vie n’est qu’un échauffement ». On est bien loin des clichés où le mot retraite est associé aux cheveux gris, à une canne, à un dos courbé, ces clichés sont nés dans les années 60 et il faut bien l’avouer, ils sont tenaces…
Serge Guerin, sociologue français spécialisé dans le vieillissement, qualifie la retraite de l’après-midi de la vie. Voilà, nous y sommes, on se rapproche de la notion d’heure de départ à la retraite.
Et si la vie ne durait qu’une journée….
Pour illustrer l’heure de départ à la retraite, j’ai calqué sur le cadran d’une horloge une vie. On se lève à 5H00, c’est la naissance. A 22h00, on se couche ….définitivement…..
En 1960, une heure sur le cadran représentait 4,22 années de vie. En 2018, une heure correspond à 5,29 années de vie.
L’heure de début de la carrière est 9H00 en 1960. En 2018, on commence à travailler à 10H00. C’est l’effet combiné d’une scolarisation plus longue et du chômage qui touche les jeunes. On commence donc à travailler en moyenne à un âge plus avancé qu’en 1960.
A quelle heure prenait-on sa retraite en 1960 ?
L’heure de la retraire était 20h00. A l’époque, la durée de la retraite était de 6 à 8 ans, 2 heures seulement sur notre cadran. Pas étonnant que l’on entamait sa retraite fatigué et que cette dernière était synonyme de repos.
A quelle heure prend-on sa retraite en 2018 ?
En 2018, l’heure de la retraite sonne vers 16h00 soit au moins 4 heures plus tôt qu’en 1960 !!!! En réalité, 16h00 en 2018 correspond à 60 ans qui est l’âge moyen de sortie du monde du travail. Voilà pourquoi la retraite peut-être qualifiée de l’après-midi de la vie. En 2018, la durée de vie à la retraite est de 25 à 30 ans.
Comment interpréter ces différences d’heures et quelles sont les conséquences ?
Cet avancement de l’heure du départ à la retraite dans le raisonnement développé ci-dessus est bien évidemment une conséquence de l’allongement de la durée de vie en bonne santé.
L’approche du départ à la retraite sous l’angle « horaire » plutôt que l’âge illustre clairement l’étendue de cette nouvelle « plage horaire de vie » qui s’ouvre aux jeunes retraités en 2018. A eux donc de prendre conscience de l’importance de bien se préparer à cette transition. Pour les acteurs économiques et sociaux, ignorer cette « plage horaire de vie » c’est passer à côté de l’opportunité de répondre aux besoins spécifiques de cette nouvelle génération de 50+, c’est un des objectifs de la silver economy.
Dans le subconscient de nombreuses personnes et dans la perception de certaines entreprises, un retraité a des cheveux gris et marche avec une canne…, l’image de la retraite et celle des seniors est pour beaucoup restée calée sur 20 heures (20H00 en 1960). Ceci a pour conséquence que l’on s’adresse parfois aux jeunes retraités d’aujourd’hui avec un discours et des services inappropriés voire désuets. En tant qu’acteur sur le « marché » des seniors, ignorer l’après-midi de la vie peut avoir comme conséquence un désintéressement du public cible.
La majorité des clubs d’aînés néglige l’après-midi de la vie
Les clubs d’ainés sont un très bel exemple de désintéressement des jeunes retraités. (lire aussi AU SECOURS ! ON M’A INVITÉ À REJOINDRE UN CLUB POUR SENIORS ET JE N’AI QUE 60 ANS !) Ces clubs sont apparus en 1960 en même temps que le modèle de retraite « troisième âge ». Les pouvoirs publics, les mutuelles et d’autres acteurs ont développé les clubs de retraités pour lutter contre l’isolement social des personnes dites « âgées ». Les activités proposées étaient surtout de type récréatif (thé dansant, jeux, etc) et venaient « occuper » les retraités de l’époque entre 20H00 et 22H00. Depuis les années 90, les jeunes retraités se sont appropriés l’espace entre 16H00 et 20H00. Les baby boomers ont bousculé l’organisation des clubs du troisième âge. Cette génération de jeunes retraités plus engagée dans la société que les générations précédentes ne se retrouvait plus dans ces structures très axées sur l’occupationnel. Les baby boomers n’ont plus vraiment besoin « d’être poussés à se distraire » et surtout ces structures monogénérationnelles les attirent de moins en moins. Ces clubs du troisième âge se sont donc adaptés ou pas, d’autres ont disparu. Les jeunes retraités se sont réorientés en matière de loisirs, de développement personnel. Ils se sont impliqués de manière croissante dans les associations culturelles, sportives et diverses au travers principalement du volontariat. C’est plus tard, vers l’âge de 70-75 ans qu’ils rejoignent éventuellement un club.
Les entreprises ont aussi intérêt à s’intéresser à l’après-midi de la vie
Même constat pour les entreprises. Ne pas tenir compte de l’après-midi de la vie (de ses clients) peut s’avérer fatal. Dans le secteur du tourisme, on a très vite compris que les baby boomers n’étaient plus vraiment adeptes des voyages organisés en car qui ont pourtant fait le bonheur de leurs parents et les belles années des autocaristes. (Souvenez-vous des démonstrations en tous genres pendant les excursions en car !)
Le pouvoir d’achat des 50+ représente plus de la moitié du pouvoir d’achat en Belgique. L’âge moyen des acheteurs de voitures neuves est de 56 ans en 2018, il était encore de 44 ans il y a 25 ans. Et puis dans un toute autre registre, les 50+ représentent 1/3 des achats de jouets et d’aliments pour bébés.
A l’heure du jeunisme omniprésent dans la publicité, dans les entreprises, il est temps pour de nombreux acteurs d’adapter leur communication. Le cliché du jeune couple dans une publicité qui s’extasie devant une belle carrosserie ne risque peut-être pas de faire mouche auprès du profil des principaux acheteurs de voitures neuves qui sont en fait… les parents de ce couple.
Cependant, tout doucement, les mentalités changent: des agences de mannequins de 50+ voient le jour, Loreal a choisi Anny Duperey à 70 ans comme son ambassadrice beauté.
Et puis last but not least, n’oublions pas que les personnes qui vivent leur après-midi de la vie seront de plus en plus nombreuses dans les prochaines années…A bon entendeur…
1 Belge sur trois seulement prépare sa retraite. A la lecture de ce qui précède, j’espère vous avoir convaincu que l’après-midi de la vie vaut la peine d’être bien préparée. (lire aussi « voici pourquoi la retraite ne s’improvise pas ») Ce n’est pas une nouvelle vie, c’est la même mais en mieux. Le moment de réaliser tout ce que l’on n’a pas eu l’occasion de faire le matin et en début d’après-midi.
Je vous souhaite une bonne après-midi et une bonne soirée.
Pierre Degand
J’encourage les seniors à se sentir moins senior, les retraités moins en retrait.