Vous vous demandez certainement pourquoi avoir écrit un article sur les deux premières années de la retraite. En quoi ces années sont différentes des années qui vont suivre ?
Que la retraite soit attendue avec impatience ou source d’inquiétude, elle constitue une transition importante dans la vie. C’est un changement qui bouleverse les habitudes, le mode de fonctionnement. En effet, le travail et les études ont forgé des repères pendant 30 à 40 ans. Bonne nouvelle, les sociologues s’accordent à dire que ces transitions sont nécessaires et favorables à notre évolution. Ces transitions et par conséquent le passage à la retraite ne sont pas toujours traversés sans mal. Cependant, la retraite représente une chance de vivre autrement. Cette dernière passe tout d’abord par une étape importante, c’est se rencontrer soi-même avant de rencontrer tout ce que la retraite peut offrir.
Se rencontrer soi-même à la retraite
C’est précisément au cours de cette étape que l’on peut observer des activités classiques chez les jeunes retraités. Demandez à un futur retraité ses projets, il y a de fortes chances qu’il ne pourra pas vous répondre. Ou plutôt, il vous répondra, qu’il va enfin faire tout ce qu’il n’a jamais eu le temps de faire, classer ses photos, ranger le grenier, entretenir le jardin, s’occuper de ses petits-enfants, ou encore améliorer enfin sa dépendance énergétique en installant des panneaux photovoltaïques, en isolant la maison etc. Viennent aussi les voyages, mais cette idée ne dure qu’un temps. Il est utopique de croire en une « retraite grandes vacances ». Votre budget vous rappellera vite à son bon souvenir ou si ce dernier vous le permet, des « vacances éternelles » peuvent à terme vous pousser dans l’isolement.
Les premières activités à la retraite sont donc souvent cantonnées à la sphère privée. C’est normal, une fois les repères du monde du travail disparus, le jeune retraité cherche la sécurité auprès de repères familiers. Il a besoin de prendre ses marques. Toutefois, s’il s’est investi dans des hobbies tout en travaillant (ce qui est conseillé), il pourra également s’investir dans ces activités. Pendant cette période de transition, il est important de ne pas se lancer dans n’importe quelle activité et surtout résister aux nombreuses sollicitations. Même si ces dernières sont valorisantes et tentantes, vous risquez de vous oublier, et de vous voir imposer toutes sortes de contraintes comme c’était le cas au travail.
Cette période de la transition vers la retraite est le moment de penser à ce qui est le plus important pour vous. Quelles sont les choses qui vous plaisaient dans votre travail et celles qui vous plaisaient un peu moins ? Qu’est-ce que votre travail vous a apporté et manqué ? Quelles sont vos compétences, vos aspirations ? Au fait, quelles sont vos valeurs ? Quelle est votre personnalité ?
La rencontre entre nos aspirations et ce que cette nouvelle période de la vie peut offrir en matière de projets.
Une fois que vous vous êtes reconnecté avec vous même, vient le temps des projets et de leur élaboration, le jeune retraité rentre en « mode retraite ». C’est après une à deux années que les retraités se lancent dans les activités qui leur donnent du sens et dans lesquelles ils (re)trouvent une utilité dans la société, ils s’ouvrent à la vie sociale. Il s’agit bien évidemment d’une moyenne, les retraités qui ont eu l’opportunité de se préparer à la retraite bien avant le dernier jour du travail intégreront plus vite le mode retraite.
Le mot projet peut parfois faire peur et peut pour certains avoir des connotations professionnelles. La différence avec le milieu du travail est cependant importante, vous êtes seul aux commandes et surtout vous avez le temps ! Puisque vos projets reflèteront qui vous êtes vraiment et ce que vous voulez faire ainsi que ce que vous aimez, il est plus judicieux d’utiliser le terme décision. Le mot décision illustre mieux les notions d’autonomie et de liberté propres à la retraite.
Voici quelques règles à suivre afin de mener à bien vos décisions :
· Vos décisions doivent être formulées positivement avec des mots d’action
· Vos avancées doivent être mesurables et observables
· Fixez-vous des deadlines (que vous pourrez bien évidemment revoir, on n’est plus au travail !)
· Votre décision ne doit dépendre que de vous et ne pas être liée au projet de quelqu’un d’autre
· Soyez réaliste
· Vous devez trouver dans les différentes étapes de votre projet de la motivation.
Peut-on vivre sa retraite sans projet ?
En d’autres mots, est-ce que l’on peut avoir des activités sans avoir mené une réflexion sur ses aspirations profondes ?
Oui, il y a deux cas de figures, les personnes qui ont une très bonne connaissance d’elles-mêmes et qui naturellement s’orientent vers des activités qui leur donnent du sens sans avoir eu l’impression de monter un projet. Elles sont donc ainsi épanouies. Les personnes qui ont connu un licenciement en fin de carrière, qui se sont remises en question et qui ont retrouvé du travail appartiennent souvent à cette catégorie.
Et puis, il y les retraités tombés dans le piège de l’occupationnel. Aux questions, « tiens, que fais-tu de bon à la retraite ? », ils se justifient en montrant un agenda overbooké. Ils sont devenus pour la plupart le projet d’autres personnes : les enfants qui leur ont finalement imposé les petits-enfants, des associations qui ont réussi à les embobiner dans des missions de bénévolats qui les ennuient et dont ils n’ont pas l’énergie de se retirer. Et puis il y a ceux qui confondent identité professionnelle et identité profonde. Ce sont par exemple les cadres qui surpris par la retraite se lancent comme consultants pour refaire la même chose et parfois dans la même entreprise, ils ne font que reporter l’échéance avec comme conséquence que la transition est souvent plus difficile.
Quelques mauvaises idées d’activités ou de décisions au début de sa retraite (1) :
Vous trouverez ci-après une liste non exhaustive de ce qu’il n’est pas conseillé de faire à la retraite.
Prendre des décisions importantes trop rapidement: déménager à l’étranger ou dans un appartement qui s’avèrera finalement trop petit.
Si on n’a jamais fait de sport, se lancer à corps perdu dans une activité physique sans en mesurer les conséquences.
Dire oui à toutes les sollicitations qui se présentent au point de ne plus être maître de son agenda, de dépendre des autres.
Stopper toutes les activités sportives sous prétexte que ce n’est plus de votre âge.
Se lever de plus en plus tard, passer des heures devant sa télévision, ne plus avoir envie de s’habiller, tomber dans l’inaction. C’est la porte ouverte à la diminution de l’estime de soi.
S’isoler de son cercle d’amis en pensant en reconstruire un nouveau rapidement.
S’adonner à des activités chronophages, avoir le sentiment de perdre son temps avec le risque de ne plus pouvoir faire machine arrière, c’est la porte ouverte à l’isolement social.
N’avoir que des projets à court terme, c’est normal dans un premier temps, nous l’avons vu plus haut. Mais à terme, ce n’est pas un projet de retraite.
Tout miser sur un seul projet à la retraite! Comportement identique aux personnes qui ne vivaient que pour leur travail sans aucun autre centre d’intérêt. Que se passera-t-il quand ce projet s’interrompra brusquement ?
Tout miser sur sa famille. Attention en cas d’envahissement des descendants, de la perte d’autonomie des parents.
S’épuiser dans des projets trop ambitieux, vous avez peut-être manqué quelque chose dans la phase « se rencontrer soi-même à la retraite » ?
Sous-estimer le retour du couple à la maison, ne pas prendre le temps nécessaire pour communiquer et définir les territoires et les rôles de chacun.
S’entourer de personnes négatives, se nourrir de phrases négatives : « ce n’est plus de ton âge », « je suis devenu inutile », …
En conclusion, le passage à la retraite est un processus en deux temps : la transition, la rencontre avec soi-même et ensuite, « le mode retraite », l’activation de nos aspirations en projets. Tous les retraités qui en prennent conscience sont riches. Ils regorgent de deux ressources que les personnes actives si elles le pouvaient, achèteraient à prix d’or : le temps et la liberté. La clé de la réussite à la retraite est de ne pas gaspiller ni se faire spolier ces ressources dès le début. A la retraite, il faut être maître de son temps, de ses choix et ne pas devenir le projet des autres.
Pierre Degand
Sequoia Ways
1)« En avant la retraite ! » Juliette Helson et Daniel Lévy. L’Harmattan 2015
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Merci